Salut, je trouve ce post d'une justesse inouïe et je trouverais dommage que celui-ci tombe dans les limbes du forum. J'espère que vous avez prévu de le mettre par là en post-it ou sur le kit de survie. AMHA, ce serait pas mal. #my2centsGoulvenBARON a écrit :Bonsoir à tous.
Je suis formateur maintenant depuis pas mal de temps (2012) sur les logiciels graphiques et le Webdesign auprès de plusieurs organismes (CCI, CNAM, Université, organismes de formations privés). Je vois donc arriver la plus part des profils sur ces métiers, et je fais au mieux, comme mes collègues, pour former les gens.
Je peux aujourd'hui avec le recul savoir quand les formations que je donne sont utiles, et quels sont les profils qui transformeront ça en parcours professionnel. Il sont de 4 types :
- Le ou la jeune diplômé(e) sur les "rails". En général, entre 20 et 25 ans, un cursus Lycée ou BTS arts graphiques, arts appliqués, donc un minimum de culture graphique et de bagage technique, et souvent une pratique autodidacte à coté, du genre à avoir fait le site et la com du club de sport ou autre.
- Le profil qui a déjà une licence dans un secteur dev, marketing, commercial, et qui veut s"ouvrir des possibilités sur le marché de l'emploi, en ajoutant un profil com visuelle. En général des gens déjà embauchables mais qui veulent "mieux".
- Le profil en reconversion : en général 10, 15 ou 20 ans dans la com visuel mais print, ou dans le rédactionnel, des relations presse, bref le "vieux monde de la com", qui se retrouvent sans taff et veulent raccrocher les wagons.
- Le profil "je faisais complètement autre chose", commercial, technicien, ancien prof, qui est sans emploi depuis 3 à 5 ans, et qui est venu là suite à des suggestions Pole Emploi.
Soyons clair : les deux premiers sont les candidats qui auront le plus de chances de trouver du taff derrière.
- Les premiers bénéficient de la niak, l'envie, la capacité d'apprentissage, et aussi des prétentions salariales minimes.
- Les seconds en général ont une connaissance effective du secteur pro, et savent qu'ils peuvent travailler mieux, voire gagner plus, en ayant plus de compétences, même si ce n'est pas pour être directement en charge des réalisations : chez l'annonceur, on a pas forcément besoin de graphistes, webdesigner ou dev, mais de gens capables de piloter un projet web en connaissant les tenants et aboutissants.
- Les anciens profils Print : bah ça va pas être facile. je suis bien placé pour savoir que nos capacités d'apprentissage ne sont pas les mêmes à 20 ans qu'à 40. Certes, apprendre à utiliser photoshop, illustrator, en général ils savent déjà, par contre se faire une culture web quand on a encore peur de payer en ligne, quand on a jamais touché du css, quand on reste nostalgique des tableaux et des découpes de tranche dans photoshop (je suis nostalgique), ça se passe dans la douleur.
- les profils "je suis venu parce qu'on m'a dit que c'était cool et qu'il y avait de la lumière", et qui ne s'intéressent même pas de prés ou de loin à la com graphique et au web, ben ... souvent ils décrochent en cours de formation, ou s'accrochent mais n'en feront rien.
Le point de vue de l'employeur :
Comme évoquer plus haut, en général les formations se passent en alternance. ça veut donc dire qu'il va falloir trouver une boite pour se faire embaucher, certes à des conditions avantageuses, mais pour quand même fournir derrière, et l'alternance est souvent utilisée (en tout cas dans ma riante province) comme phase de test avant embauche. Là encore, l'employeur va préférer les deux premiers profils au deux derniers. Et il aura raison, les deux premiers profils sont ceux avec qui sa se passera le mieux, et qui s'adapteront le plus facilement au contexte pro actuel.
Alors pourquoi propose t'on si souvent ces formations aux profils 3 et 4 : Les centres de formations ont un modèle économique un peu batard, on va dire hybride pour être positif : ils ont intérêt à former des gens qualifiés et qui seront embauchés derrière pour avoir de bons taux de réussite, mais ils ont aussi intérêt à remplir des cursus, avec des profils financés par Pole Emploi, car un diplôme, au RNCP, c'est dur à obtenir (je sais de quoi je parle) pour un centre de formation, mais c'est aussi dur à garder, et en particulier au niveau du nombre de formés. Le modèle économique incite aussi à remplir les cessions : votre serviteur est payé pareil devant 7 ou 14 personnes.
Quand au Pole Emploi et à ses conseillés, je ne leur jette pas la pierre : ils naviguent à vue, dans des conditions de travail déplorables, avec un nombre de dossiers à écluser totalement irréaliste, et soyons clair, ils ne comprennent pas plus nos métiers que votre oncle qui vous demandera tous les ans c'est quoi déjà ce que vous faites c'est de l'informatique c'est ça ? justement la box imprime plus ...
L'actuelle réforme de la formation professionnelle ne va pas arranger ça, pas plus que le discours gouvernemental qui ne jure que par "entrepreneuriat", l'uberisation de tout, de n'importe quoi et de la mère à Yamo, le label FrenchTech, les startups fantaisistes.
Il y a des exceptions : des gens pour qui une formation graphique et web a été profitable alors qu'ils étaient pas du tout là dedans à la base. Mais ce sont ... des exceptions.
A ça s'ajoute effectivement que pour bien faire nos métiers, il faut au minimum les connaitre, que pour les connaitre il faut être dedans, avoir une culture générale, pas que visuelle, pas que web, pas que com. Qu'il faut aussi de plus en plus se coltiner au marketing, au webmarketing, au SEO, aux social média, je sais c'est salissant, mais sauf à trouver vraiment en agence de niche, le taff aujourd'hui c'est aussi se taper de l'emailing, de la campagne facebook, du display, du jeu concours.
Le graphisme et le webdesign aujourd'hui, à part à la marge, ça ne devrait pas trop faire rêver en fait, et pourtant ça garde ce coté "magique", dans le mauvais sens du terme. Professionnellement, moi qui était du genre gentil en tant que formateur, je deviens de plus en plus exigent et sélectif, tout simplement pour le plus envoyer des gens au casse pipe avec une perception faussé de la réalité.
Non, il n'y a pas du boulot pour tout le monde dans cette branche.
Il faut soit être hyper souple et curieux et bosseur pour les jeunes profils, soit être hyper qualifié techniquement (je ne m’inquiète pas pour les bons intés), soit si on est plus "senior", être capable de gérer du gros projet, de piloter, de rédiger des cahiers des charges, d'être en frontal avec le client, avec les sous traitants, de savoir parler à des dev, au marketing ... ça n'a rien de facile, ni du truc dans lequel on se lance "en attendant mieux".